La lettre de Pithivierspréface de Maurice Rajsfus

roman de Jean-Paul Giraux 

 

    La forme policière  correspond souvent  à un engagement de l'auteur : se situer dans la réalité sans se couper du romanesque.     La Lettre de Pithiviers est-il pour autant  un  "authentique " policier ?

      Certes, on y retrouve les piliers du genre : meurtre, énigme, enquêteur, suspense, mais on constatera  qu'il s'y promène beaucoup de personnages ayant existé ou même encore  vivants, et que l'intrigue se développe dans un contexte historique précis : entre mars 1958 (nomination de Papon à la Préfecture de Paris) et le référendum de septembre qui a  suivi les événements de mai (ce que les historiens appellent le "coup d'état démocratique"). D'autres références encore : le film de Louis Malle, Ascenseur pour l'Echafaud (dont l'assassin s'appelle aussi Julien, double antinomique du personnage central) et le France-Brésil de juin 1958, en Suède (avec le "roi" Pelé et Just Fontaine, le recordman des buts marqués dans une Coupe du monde).

   Mais surtout, on voudra bien ne pas perdre de vue que la ville de Pithiviers, et donc l'évocation des camps d'internés juifs du Loiret pendant la guerre, clef de ce roman auquel l'historien Maurice Rajsus a bien voulu apporter sa caution, appartient, par certains côtés,  à l'histoire personnelle de l'auteur.

   On verra enfin, quant à la torture (hier, aujourd'hui)  et  aux camps (ici, ailleurs, partout), que la question reste posée de savoir qui est l'assassin.

                  

                              

 

 

 

 Au départ, dans un journal local, une petite annonce apparemment anodine: "Chercheur souhaite recueillir témoignages et documents sur les camps du Loiret pendant l'Occupation..."
  Anodine, vraiment ?
  Deux ans auparavant, le film d'Alain Resnais, "Nuit et Brouillard", avait subi les foudres de la censure officielle parce que, sur quelques images empruntées aux actualités de l'Occupation, le camp de Pithiviers, avec son double rang de barbelés et ses miradors, se trouvait associé à l'uniforme d'un gendarme français.
  Puis le contexte s'est encore alourdi.
  En Algérie, une guerre qui ne dit pas son nom aboutit aux événements du 13 mai 1958, avec ce coup d'Etat "démocratique" qui est aussi une belle occasion de refaire surface pour les éléments troubles d'une extrême droite que la Libération semblait avoir disqualifiés pour longtemps.
  Dans ces conditions, qu'est-ce qui peut inciter un jeune professeur d'histoire, également poète, à entreprendre une monographie sur les camps d'internés juifs du Loiret, Pithiviers et Beaune la Rolande, camps voulus et gérés par les autorités de Vichy ?
  Son histoire personnelle ?
  Parce que, comme le dit Saint-Just, l'enquêteur dans cette intrigue où la fiction s'appuie sur des faits réels, "pour Julien raconter les camps, c'est empêcher le retour de la barbarie"?
  De toute façon, ne pouvait-il pas se douter qu'il y aurait là des coups à prendre ?


 
Préface remarquable de l'historien Maurice RAJSFUS dont les travaux sur le camp de Drancy, la police de Vichy, l'étoile jaune (Le Cherche Midi éditions) et la rafle du Vel d'hiv (Que sais-je ?) font justement autorité.

Jean-Paul GIRAUX a publié un recueil de proses brèves, Le chimpanzé de Rio, à La Bartavelle éditeur et, dernièrement à Éditinter, des nouvelles noires, L'allée du vingt et autres faits divers. Il collabore aux revues Poésie sur Seine et Poésie/première aux quelles il donne régulièrement des articles sur la poésie et les poètes.

 

En couverture :

Silhouettes, acrylique de Colette Giraux

 

ISBN 2-915228-236X

www.editinter.net

17€

 

 

PRESSE

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"...L'auteur a su mêler judicieusement réalité et fiction pour nous appâter en profondeur... L'action se passe autour du 13 mai 1958 mais est reliée, pour certains protagonistes, à un épisode noir de notre histoire : celle des camps, et en particulier celui de Pithiviers. Le livre comporte d'ailleurs une préface d'un historien bien qualifié pour raviver les mémoires...
Ce livre doit contribuer à donner aux Français le courage de la mémoire et à les mettre en garde contre le retour de la barbarie... Le sérieux n'empêche pas la qualité du suspense qui maintient constamment en haleine. Et l'humour, habituel chez Jean-Paul Giraux, est présent : des commentaires cinglants ou des questions perfides terminent souvent les paragraphes. Tout cela contribue à donner au livre un style enlevé et fort attrayant".
Guy CHATY,  revue "Interventions à Haute Voix" n°34. 

"...Voilà un roman policier comme on les aime, c'est-à-dire fort peu policier... Il s'agit ici d'une oeuvre d'historien (que Maurice Rajsfus, auteur de la préface cautionne s'il en était besoin). Pithiviers est un de ces lieux que les livres d'histoire ont vite fait d'oublier parce qu'ils ont connu des camps enfermant des Juifs destinés aux chambres à gaz. Un peu comme le camp de Royallieu de Compiègne d'où est parti Desnos... Il y a dans le style de l'auteur une utilisation du paragraphe assez étonnante, qui agit comme une clausule et qui fait mouche à chaque fois par la surprise qu'elle offre : "Une rafle à la française, toute en douceur, sans qu'un Allemand eût à lever le petit doigt. / La rafle idéale! / Il avait suffi à la préfecture de police d'utiliser son fichier..." Sous l'ironie perce la dénonciation criante à force de n'être que suggérée.
L'histoire, la poésie, l'autobiographie, Jean-Paul Giraux mêle tout avec un bonheur d'écriture singulier : une prose souple, précise, d'une grande efficacité et d'un grand plaisir de lecture..."
Bernard FOURNIER, spécialiste de Guillevic sur lequel il a écrit une thèse qui fait autorité, "Le cri du chat-huant, le lyrisme chez Guillevic" - L'Harmattan éditeur 2002.

"Il est inhabituel de démarrer l'analyse critique d'un roman policier en disant qu'il est intelligent, instructif et très sérieusement documenté... Mêlant fait divers et satire politique (on pense aux polars de Thierry Jonquet), cet excellent bouquin a en effet le double avantage de nous faire avancer avec passion dans une intigue captivante et de nous livrer son lot d'informations et de réflexions, également passionnantes, sur deux époques clés de nos générations".
Antoine de Matharel,  Poésie sur Seine n° 48 (mars 2004).

"Empêcher le retour de la barbarie. - Qui veut empêcher un jeune professeur d'histoire de réaliser une monographie sur les camps d'internés juifs du Loiret, voulus et gérés par Vichy ? Pourquoi ? L'auteur situe son intrigue policière fin des années 50, alors que la guerre d'Algérie aboutissait au coup d'Etat "démocratique" du 13 mai 1958. Deux ans auparavant, le film "Nuit et Brouillard" d'Alain Resnais était officiellement censuré pour une image où l'uniforme d'un gendarme français se trouvait associée au camp de Pithiviers. Mêlant fiction et réalité, Jean-Paul Giraux fait resurgir des pages troubles de notre histoire. Par devoir de mémoire. Son livre est préfacé par l'historien Maurice Rajsfus qui a travaillé notamment sur le camp de Drancy et la rafle du Vel d'hiv".
Valeurs mutualistes, le magazine des adhérents de la MGEN n° 237 mai/juin 2005.



"La lettre de Pithiviers" a été l'objet d'articles ou de notes de lecture dans "Reflets du Loiret" n°76 (juillet-août 2004), Le Journal du Centre (8 et 14 mai 2004), L'Echo Charitois (13 mai 2004), Cahiers Bernard Lazare n°245(avril 2004), etc. 
"La lettre de Pithiviers" a encore été l'occasion d'une présentation au 12-14 de FRANCE III CENTRE par Denis Gannay, le 27 janvier 2005, dans le cadre de la commémoration du soixantième anniversaire de la libération du camp d'Auschwitz.
Il a été accueilli sur le site de l'Europe de la Mémoire :
http://www.europedelamemoire.org  
(pour La lettre de Pithiviers, cliquer sur "livres" et "suite").

 

Voir également :   http://passiondulivre.com/auteur-41983-jean-paul-giraux-.htm                           http://lechoixdeslibraires.com/livre-33282-la-lettre-de-pithiviers.htm

 

 

 

EXTRAIT

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"Il n'est pas rare que la fiction rattrape la réalité et, sans la dépasser, peut rendre visibles les tristes comportements de nos frères humains...".

                                                                           préface de Maurice Rajsfus

 

   [...]

     Qui lui en avait parlé en premier, ses parents ?

     Julien avait découvert que c’était à la même époque, celle de ces touristes un peu particuliers, que Pithiviers avait connu le défilé des « billets verts ». Plus d’un millier d’hommes de tous âges que les gendarmes étaient venus attendre au train pour les escorter, un peu en dehors de la ville, jusqu’aux baraquements et aux barbelés du camp.

     Ces hommes-là avaient une maladie plus dangereuse encore que la typhoïde de Julien déjà mortelle cependant : ils étaient juifs et étrangers d’origine polonaise pour la plupart, si bien qu’on avait pris soin de pavoiser de jaune, comme on le faisait jadis pour la peste ou le choléra, le convoi qui les avait transportés.

     Ils venaient de Paris où ils avaient été pris dans la première grande rafle de zone occupée, une rafle à la française, toute en douceur, sans qu’un allemand eût à lever le petit doigt.

     La rafle idéale !

     Il avait suffit à la Préfecture de Police d’utiliser son fichier et de faire distribuer dans les arrondissements cinq à six mille convocations sous forme de billets verts où le commissaire de police du quartier invitait – aimablement, mais tout de même sous peine de sanctions sévères, car il ne faudrait pas exagérer – la personne désignée à se présenter, dès le lendemain matin, à un endroit donné, gymnase, caserne et même garage, pour « examen de sa situation ».

     Cette première fois, n’étaient convoqués que des hommes.

     Bientôt, les rafles concerneraient aussi les femmes et les enfants.

     Ce 14 mai 1941, ils furent près de quatre mille à avoir répondu dès la première heure au fatal billet avec peut-être l’espoir illusoire de voir, après examen justement, se régulariser leur situation.

     Des autobus avaient été prévus pour les trans-porter jusqu’à la gare par d’incessants va-et-vient.

     A Austerlitz, on les invita à monter dans les wagons et ils apprirent leur destination : deux camps du Loiret sous administration française. Beaune la rolande et Pithiviers.

     et après ? Qu’est-ce qu’il y aurait après ?

     Quand le convoi s’ébranla, en dépit de la présence des S.S qui tournaient sous la verrière comme de sales bêtes noires, les cheminots qui se trouvaient là, sur les quais et sur les voies, saluèrent ceux qui partaient, le poing levé.

[...]

 

      La lettre de Pithiviers  p 108

 

 

 

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