JEAN JOUBERT ou LES DEUX VERSANTS DU POÈTE

 

  Par Jean-Paul GIRAUX

 

 

 

En partant de l’Anthologie personnelle

 

     On ne présente plus Jean Joubert, prix Renaudot en 1975 pour son roman, L’Homme de sable, prix de l’Académie Mallarmé en 1978 pour Les poèmes également édités chez Grasset, et dont l’importance est consacrée par une multitude d’études telles que, pour citer les plus récentes, celles qu’on trouvera dans les cahiers de décembre 2000 de Autre Sud et dans le n° 23 de Poésie/première d’octobre 2002 avec un article d’Emmanuel Hiriart dont on remarquera l’originalité.

     Alors, pourquoi cette nouvelle contribution ?

     La publication de son dernier recueil, Arche de la parole (Cherche-Midi, 2001), pourrait suffire à justifier l’entreprise, mais il me semble surtout qu’on n’a pas suffisamment souligné l’importance de l’Anthologie personnelle (Actes Sud, 1997) qui donne une vue panoramique de l’œuvre accompagnée d’une préface éclairante de l’auteur[1].

 

Le poète des deux versants

 

     Il y a dans cette anthologie un poème intitulé Les deux versants (p. 183) qu’il faudrait citer tout entier tant il apparaît comme emblématique d’une oeuvre qui, loin des agitations salonnardes ou médiatiques, s’affirme comme une des plus importantes et des plus lisibles de la poésie contemporaine.

     Le destin périlleux de l’homme ou du poète s’y inscrit en images contrastées :

 

[...]

Un homme tenaillé de songes noirs

se lève à l’aube, marche dans l’épouvante,

secouant en vain des guenilles de nuit,

se jette muet du haut de la muraille.

Ce qui s’écrase ainsi c’est le corps de ténèbres

portant en lui l’enfant de feu,

l’âme menue qui tremble. [...]

 

Marchons pourtant sur ce chemin de crête,

assurons notre pas entre gouffre et jardin ;

qu’un vertige parfois nous sauve du vertige,

et que l’amour patient, l’écoute du murmure

arbre de pluie, source secrète,

voix de femmes au loin dans la vallée –

à travers le péril nous guident, nous protègent.

 

     Le poète ou le funambule ? Je m’interroge. Car si “un vertige parfois nous sauve du vertige”, c’est que le poète est ici sur le “chemin de crête” et donc pas ailleurs que sur un fil tendu, celui de sa vie (fil tiré de soi – fil de soi[e] – pour reprendre une image du poète Jacques Dupin), en équilibre entre ombre et lumière, “entre gouffre et jardin”, fil tiré à partir duquel les poèmes savamment se tissent, s’ourdissent comme autant de complots où se mobilisent les contraires :

 

Toile tissée d’un double fil

d’ombre et de lumière :

trame serrée du jour.

 

Blanche la fiancée,

blanche la jeune mère

qui tient l’enfant parmi les fleurs

et blanc le lait aux lèvres de l’enfant.

 

Mais la nuit creuse son sillon noir

inverse dans le sang.

 

Ah, renversé, c’est un autre visage

et le même pourtant,

défait,

que le gel a figé.

 

Fil blanc, fil noir,

serrés

jusqu’à l’heure où soudain la toile se déchire.

(Antho. p. 223)

 

     Ainsi, l’œuvre de Jean Joubert se réalise sur un rythme binaire, à travers une série d’oppositions latentes ou manifestes qui circulent sans souci des frontières, aussi bien dans les romans que dans les poèmes (on note, d’ailleurs, qu’il est parfois question de récit/poème et que la poésie intervient dans les romans, y compris sous sa forme institutionnalisée de comptine ou de haïku), ce qui permet d’inventorier toute une série de couples antonymes : Nord/Sud évidemment, mais nous y reviendrons, et aussi passé/ présent, légende/histoire, progrès/tradition, ville/campagne, plaine/forêt, nature domestiquée/nature sauvage, femme-sorcière/femme-fée, amour physique/amour romantique, prose/vers, engagement/repli sur soi etc.

     Iris noirs, iris blancs, / mêlés, / colombes et loups mêlés (p.249) : les deux versants du poète !

 

La “graine noire” dans le cœur du poète

 

     Qu’est-ce qui se cache derrière ces oppositions dont on voit qu’elles constituent la trame solide du poème ?

     Sans prétendre élucider le mystère d’une création, il semble possible d’avancer que le poète Jean Joubert est avant tout un homme de mémoire, façonné, à la fois, par les livres et cette culture vitale que donnent les lieux et les êtres qui ont accompagné, nourri notre enfance. Ainsi, les voiles d’Ophélie (Une robe vole, de branche en branche, vers l’étang... Aube, p. 43) et toute une mythologie païenne ou biblique se mêlent dans son oeuvre à une culture terrienne où surnage une peur ancestrale, née des temps pas si lointains où tout était si dur, si menaçant (présence obsessionnelle de la mort), temps personnifiés ici et là, dans les poèmes, par la figure cuirassée de fer, hérissée de lances, du maître de la terre, le seigneur devant lequel tous les croquants, qu’ils soient du Périgord ou du Gâtinais, ont dû courber l’échine et plier le genou, génération après génération. On remarquera d’ailleurs que le comte Lara, de L’homme de sable[2], en est, en quelque sorte, la version romanesque et policée.

     Bref, on retiendra que le poète est l’héritier d’une double tradition et d’un savoir critique difficilement conciliables, douloureusement conciliables, comme on peut l’éprouver aussi bien dans les poèmes que dans les romans.

     Ensuite, – deuxième trait à retenir – comme Empédocle (ce philosophe du IV ème siècle qui se jeta dans le cratère de l’Etna et dont Joubert fait le thème de plusieurs poèmes), le poète a choisi le Sud, c’est-à-dire, lui aussi d’une certaine façon, de se jeter dans le feu. Car le Sud – après de longs séjours en Angleterre, en Allemagne et aux Etats-Unis, Jean Joubert s’installe à Montpellier où il enseigne au lycée puis à l’Université – ce n’est pas seulement la lumière, l’amour, des horizons plus larges, c’est aussi, c’est peut-être surtout, la brûlure de l’exil (cf. les nombreuses occurrences du mot sous les formes exil/exiler).

     En tout cas une distance mise entre soi-même et ses origines :

 – origines géographiques, d’abord, car il y a loin des brumes du Gâtinais (Châlette-sur-Loing, près de Montargis) où le poète est né dans un chou (une photo l’atteste !), aux rives parfumées et ensoleillées de la Méditerranée ;

 – et origines sociales, ensuite, car la distance est également grande qui sépare l’enfant d’un milieu modeste, à la fois rural et ouvrier, de l’universitaire et de l’écrivain qu’il est devenu.

     Un déracinement donc, et quelque chose de plus qui ressemble à une trahison, nous risquerons le mot, justement parce que le poète s’en défend dans la préface de l’Anthologie : “... même si j’ai en apparence suivi d’autres routes, je suis toujours de leur sang”, et qu’il préfère évoquer “une culpabilité sourde” (cf. Les Sabots rouges[3]). D’où l’inguérissable nostalgie qui traverse l’œuvre de part en part, l’évocation toujours reconduite de ces régions baignées de brumes et marquées par l’enfance :

 

...Pauvres demeures, pays

Enrubanné de brumes, grands bois serrés

D’amour peut-être ou de cruelle étreinte.

Les loups ne sont pas loin. Presque la nuit...

(Une vitre à six heures l’hiver, p. 153)

 

  D’où la célébrations des anciennes croyances, la célébration de la tribu familiale (Il faut absolument lire ce livre rare que sont Les Sabots rouges !) cette méfiance à l’égard de la vie moderne et sans doute la tentation jamais tarie du retour comme le confirme ce poème qui évoque le retour d’Ulysse et qu’il serait erroné de prendre pour un acte gratuit.

     Tout cela paraît suffisamment évident, et on n’hésitera pas à étendre aux poèmes de Jean Joubert ce qu’un critique pertinent (Journal de Genève) disait de son récit, Les Sabots rouges, le qualifiant de “chronique du passé perdu” ou encore de “saga obscure”, expression en réalité empruntée à la plume même de Jean Joubert, et dont on voit de si belles illus-trations à travers tant de poèmes comme celui-là, intitulé La chambre de verre (p. 45), où Jean Joubert évoque sa rencontre, à la fin des années 60, avec la ville de New York, cette “forêt de fer” qui le fascine et tout autant l’accable en le contraignant à abandonner la ruralité presque exclusive de ses paysages et de son vocabulaire.

     Comme lui, on se posera la terrible question : “Que sommes-nous parmi ses murailles glacées...” ?

 

Jean Joubert et la perception aiguë du réel (Préface de L’Anthologie)

 

     Après l’évocation de ce côté sombre du premier versant (l’ubac du montagnard et la graine noire dans le cœur du poète), il est temps de se demander ce qui se passe du bon côté de la lumière, autrement dit de s’interroger sur les dimensions du bonheur dans la vie et/ou dans l’œuvre de Jean Joubert, car on aura compris que l’une et l’autre sont intimement mêlées.

     Eh bien, on parlera d’un bonheur au quotidien (café, caresse, cigarette : / bonté des choses fugitives). On parlera d’un bonheur en dépit de... : “...nous n’aurons pas le dernier mot”, constate L’Arche de la parole au dernier vers, et en effet La Sentence (Antho. p. 151) est sans appel :

 

“Vous êtes tous condamnés à mort, dit-il.

La sentence sera exécutée pour chacun d’entre vous

quand et comme il conviendra.

Il n’y a pas d’appel. Rentrez dans vos prisons,

nous saurons vous trouver.

Nous avons le bras long, l’œil aigu, des registres.

En attendant, voici du tabac, de l’alcool.

Jouez, rêvez ! Il n’est pas interdit d’imaginer parfois

le goût du dernier verre, de la dernière cigarette.”

 

Devant la “Ville brûlée, la nuit, / ne laissant plus au pied des monts / qu’un champ de braise / où fume la folie” (Han Shan, p. 253), comment serait-il possible de s’accommoder du monde tel qu’il va ? 

     Mais on parlera du bonheur de la solitude, de la rêverie, bonheur du temps partagé avec la femme qu’on aime, (Lorsque tu viens vers moi... Antho. p. 65), bonheur qui se sait fragile, bonheur lucide, par conséquent. Du bonheur de la création qui inscrit à chaque page son exceptionnelle réussite. Bonheur des mots ! L’écriture, comme occasion de se réaliser, de se partager, et comme unique chance de se survivre ! Jean Joubert a sur ce thème de superbes pages : ...et lorsque moi aussi je partirai / seuls demeureront / les quelques mots, / les mots / pourtant si / fragiles / du poème ! Mais écoutons le poète :

 

Que bâtir avec ces pierres noires ?

un rempart ?

une maison ?

un tombeau ?

 

Une bibliothèque plutôt,

vaste et ténébreuse,

où brilleraient dans l’ombre

les livres et les mots

d’un long amour

 

et où parfois, le soir,

venu par des chemins secrets,

volerait silencieux un oiseau

(Antho. p. 248)

 

     Bonheur, remarquons-le, qui n’est pas donné, mais conquis. Et on parle ici de la conquête progressive d’une manière dont le poète propose une éclairante définition : “une métrique personnelle, qui échapp[e]à la fois aux contraintes classiques et aux facilités du vers libre, chaque poème inventant sa propre structure et son propre rythme” (préface de l’Anthologie).

 

Est-il besoin d’une étiquette ?

 

     Est-il indispensable d’enfermer le poète dans une définition ?

     En tout cas, je ne ferai de Jean Joubert ni un réaliste – même si on éprouve, dans ses textes, le poids du réel (du vécu), de ce qui “selon les circonstances, nous émerveille ou nous accable” (préface) – ni un lyrique en dépit de reverdy (“la poésie est émotion”), car Jean Joubert est un auteur secret (pudique, il préfère dire “clandestin”) qui tient son émotion à distance, refuse l’épanchement geignard, utilise les vertus symboliques des images et des thèmes. De ce point de vue, on est frappé par le nombre important des adaptations de thèmes classiques : Ulysse, Empédocle, Ophélie, etc. et celui des transpositions d’art, comme ce magnifique Portrait d’homme d’après Holbein (Antho. p.121), à travers lesquelles le poète affirme sa vision personnelle du monde.

     Ni réalisme ni lyrisme donc, mais une alchimie qui ignore “langage hautain” et “prétention solennelle”, comme il est dit dans Les Sabots rouges où, à plusieurs reprises, le poète livre des considérations essentielles sur son art qu’il veut lisible et fraternel. Ni réalisme ni lyrisme, mais un espace à la fois spontané et littérairement façonné où la réalité, le rêve, l’émotion se rejoignent dans la pâte des mots que le poète creuse, sculpte, polit avec une passion toujours renouvelée.

     Une ferveur poétique qu’il accroche à son œuvre un peu comme ce sabot rouge qui servait d’enseigne à l’oncle Georges – sabotier autodidacte et anarchiste, auteur d’un livre unique – qui contribua pour beaucoup, je le sais, à donner à l’enfant Jean Joubert, le goût des livres et de leurs sortilèges, lui ouvrant ainsi, pour le sauver de ses “vertiges”, les portes enchantées de la poésie.

 

 


[1]  Ces deux ouvrages sont disponibles en librairie.

[2] Il en existe une version de poche chez Acte Sud, collection Babel.

[3] Les sabots rouges, Grasset 1979

 

Cet article est paru dans la revue Le Jardin d’Essai n°29/30, printemps/été 2003. Il a été suivi  d'un certain nombre de notes de lecture publiées dans  la revue Poésie/première :

 

 

CLAIRE DANS LE MIROIR et autres nouvelles Jean Joubert Melis éditions.

     L’être humain n’est jamais exactement ce qu’il voudrait être et ce qui l’entoure a des attendus qui lui échappent. Il peut se définir peintre, écrivain, poète, voyageur ou vagabond, mais il s’agit d’un jeu d’apparences dont il est l’instrument ou la victime. Tel est bien, en profondeur, le sens de ces récits elliptiques et rigoureux dont la dimension poétique n’est jamais absente comme c’est toujours le cas dans les proses de l’auteur de L’homme de sable.

     Claire se veut laide et son reflet dans le miroir, d’une insaisissable beauté, conduit à la folie l’homme qui l’a entrevu. Vitruve se veut poète et enseignant et il ne sera ni l’un ni l’autre en dépit de ses tentatives. La fenêtre, au loin, allumée sur la nuit, avec cette silhouette, penchée sur l’écritoire, identique à celle d’un écrivain dont le récit s’enlise, révèle la duplicité de l’existence, duplicité qu’incarne si bien la mystérieuse Bénédicte dont la figure ambiguë hante la plus longue nouvelle du recueil.

     La vie ne serait-elle pas autre chose qu’une promesse non tenue, une passante énigmatique qui découvre soudain un sein menu derrière les vitres d’un train aussitôt évanoui ? Quelle était donc la couleur des yeux de celle qui avait annoncé sa venue et pour laquelle celui-là trompe en vain son attente dans les gestes minutieux du quotidien ? Et puis, comment s’arrange-t-on avec la peur dans la tentation permanente de la transgression ?

     Le plus fantastique dans tout ça et le plus réel aussi, voyez-vous, c’est que les personnages de Jean Joubert sont aussi le reflet, à la fois romanesque et poétique, de nos propres lâchetés, témoignent d’une étonnante capacité à tout accepter sans révolte excessive : même la plante irascible qui envahit la villa et chasse les occupants et, à deux reprises, l’arbitraire d’une prison finalement assez douce puisqu’on peut y écrire ce qu’on veut, même si ça n’intéresse personne, et où le seul inconvénient notable est une nourriture, peut-être un peu trop riche en pommes de terre.

                                                                                                                                                      Jean-Paul GIRAUX (Poésie/première n° 30 )  

 

REFLET DU CIEL AU FOND D’UN PUITS Jean Joubert – 314ème Encres Vives.

     Jean Joubert campe ici longuement sur sa pente la plus sombre  : “Il nous faut vivre dans le deuil...”. En dépit du “regard furtif/ d’une rose”, tout n’est que “ténèbres”, en proie au monstre souverain issu d’une vieille lignée qui assassine l’espérance : “Le bonheur est-il possible ?

     La rumeur du monde est une longue plainte qui habite le sommeil des malheureux dormeurs et se prolonge dans leurs songes. Avant l’aube, le coq sera habilité à lancer sa funèbre prophétie : “Et si... l’aube n’allait pas se lever... ? “

     A cet “Homme sombre, / semeur de suie, / complice des brouillards”, il reste à regarder par-dessus son épaule pour apercevoir la belle jeunesse d’un avenir en marche, “chevelure dénouée,/ un livre entre les mains” qui a la douceur d’une “ pluie d’avril”, “les douces lèvres du silence”.

     Cette jeune fille – pour laquelle il se croit transparent – est une renaissance qui l’invite à rejoindre l’élan sauvage des forêts où les anciens dieux gîtent sous l’écorce, à se défendre de des angoisses en demeurant en deçà de la frontière sournoise – “entre rêve et réalité”, dit le poète – “où des tueurs dépenaillés tiraillent”.

     Mais l’autre versant soudain s’éclaire : il est temps de célébrer les miracles du printemps où le poète chante “l’arbre et l’enfant” et pas seulement le “reflet lointain/du ciel au fond d’un puits”.

     Est-il nécessaire de dire le plaisir de lire et à d’avoir à rendre compte de poèmes de cette qualité où s’inscrit le destin périlleux des hommes 

                                                                                                                    Jean-Paul GIRAUX (Poésie/première n° 31)  

 

Chemin de neige de Jean Joubert. Illustrations d’Elsa Huet. Lo Païs d’Enfance Ed. du Rocher.

Jean Joubert, on le sait, a également beaucoup écrit pour la jeunesse. Toujours avec bonheur. Ici, avec ce Chemin de neige, il présente – soutenue par les illustrations fraîches et inspirées d’Elsa Huet – une série d’haïkus qui s’accorderont parfaitement au regard neuf des enfants (à partir de 10 ans), à leur si étonnante capacité à se laisser surprendre et à s’émerveiller :

Lorsque j’ai dit le mot : arête,

il s’est planté

dans ma gorge.

De son côté, le lecteur averti ira visiter ces délicates calligraphies en se réjouissant d’y découvrir, cachés à son intention sous l’empreinte légère du pinceau, ici ou là, telle discrète pointe d’érotisme :

Sur la plage nue,

béant,

un coquillage rose

et même quelques-uns de ces « songes noirs » que le poète cultive au versant d’une rose :

De notre cœur à la terre,

il n’y a que sept pas

et le temps court sur ses semelles noires

                                                                                                          Jean-Paul GIRAUX (Poésie/première)

 

 

                

                    

UN JOUR ENCORE de Jean Joubert, collection « vent de terre »

     Il s’agit d’une mince plaquette publiée par l’association Humanisme & culture, une vingtaine de pages qui illustrent de façon magistrale l’esprit à la fois si généreux et si tourmenté d’un de nos meilleurs poètes. La problématique est simple comme la poésie qu’on aime : « Un jour encore nous est donné /un jour et sa parole d’aube,/ses lèvres d’or sur les collines// Un jour encore... ».

     Que pouvons-nous en faire ? La condition humaine est là tout entière dans ce miroir magnifiquement tendu – richesse des images, juste tempo de la partition – pour célébrer un monde qui chaque jour nous offre sa promesse de bonheur, en dépit d’un ciel vide et de notre mortelle propension à courtiser « les tourbes de la nuit », en dépit aussi de tous les disparus que la terre étreint de son « étau » et sur lesquels nous marchons. L’engagement du poète a ici la forme d’un saisissant appel : « Asseyez-vous, peuples de loups, sur les frontières/et négociez la paix des roses, des ruisseaux,/l’aurore partagée ». Et le fait est, nous montre le poète, qu’il suffit d’ouvrir la fenêtre pour s’emparer de la beauté du monde, éprouver ses singuliers et douloureux mystères, se baigner dans les ombres plaintives de la nuit, accueillir la clameur de l’aube et la renaissance d’un jour qui se déploie comme une chevelure. S’offrir au partage pour effacer la mort qui guette, car – nous dit-il avec force – « Ce sont l’écoute,/la ferveur/et la louange/qui nous sauvent ».  .

                                                                                                                     Jean-Paul GIRAUX  (Poésie/première n° 37)

                                                                        

 

 

 

Jean-Paul GIRAUX a publié un recueil de proses brèves ("Le chimpanzé de Rio", Nouvelle édition augmentée), des nouvelles noires ("L'allée du vingt et autres faits divers",) et des romans   ( "La lettre de Pithiviers", préfacé par Maurice Rajsfus,  "L'Amérique et les yeux du poisson rouge", policier, "Le poinçonneur avait les yeux lilas", policier préfacé par Jean Joubert, "Métropolis c'est tous les jours vendredi 13", policier)  aux éditions Editinter. Une fois par mois, il dirige l'animation du Mercredi des poètes au café littéraire Le François  Coppée, à Paris. Il collabore aux revues Poésie sur Seine et Poésie/première auxquelles il donne régulièrement des articles sur la poésie et les poètes.

 

 

 

 

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